Scène III

Égisthe, le président, le jardinier, serviteurs.

 

ÉGISTHE.

Pourquoi cet escabeau ? Que vient faire cet escabeau ?

SERVITEUR.

C’est pour le mendiant, seigneur.

ÉGISTHE.

Pour quel mendiant ?

SERVITEUR.

Pour le dieu, si vous voulez. Pour ce mendiant qui circule depuis quelques jours dans la ville. Jamais on n’a vu de mendiant aussi parfait comme mendiant, aussi le bruit court que ce doit être un dieu. On le laisse entrer où il veut. Il rôde en ce moment autour du palais.

ÉGISTHE.

Il change le grain en or, dans les maisons ? Il engrosse les bonnes ?

SERVITEUR.

Il n’y commet aucun dommage.

ÉGISTHE.

Singulière divinité… Les prêtres n’ont pas su voir encore si c’était un gueux ou Jupiter ?

SERVITEUR.

Les prêtres demandent qu’on ne leur pose pas la question.

ÉGISTHE.

Nous laissons l’escabeau, mes amis ?

LE PRÉSIDENT.

Je crois que finalement cela revient moins cher d’honorer un mendiant que d’humilier un dieu.

ÉGISTHE.

Laisse l’escabeau. Mais s’il vient, préviens-nous. Nous aurions à être strictement entre humains pendant un petit quart d’heure. Et ne le brusque pas. Peut-être est-ce le délégué des dieux au mariage d’Électre. À ce mariage, que notre président considère comme un opprobre pour sa famille, s’invitent les dieux.

LE PRÉSIDENT.

Seigneur…

ÉGISTHE.

Ne proteste pas, j’ai tout entendu. L’acoustique de ce palais est remarquable… Son architecte voulait, paraît-il, écouter les réflexions du conseil sur ses honoraires et son pourcentage, et il l’a rempli de cachettes sonores…

LE PRÉSIDENT.

Seigneur…

ÉGISTHE.

Tais-toi. Je sais ce que tu vas me dire au nom de ta brave et honnête famille, au nom de ta digne belle-sœur, l’infanticide, de ton oncle respecté, le satyre, et de ton déférent neveu, le calomniateur.

LE PRÉSIDENT.

Seigneur…

ÉGISTHE.

L’officier, dans la bataille, auquel on passe le plumet du roi pour détourner les coups des ennemis, l’arbore avec plus d’enthousiasme… Tu perds ton temps, le jardinier épousera Électre…

SERVITEUR.

Voici le mendiant, seigneur.

ÉGISTHE.

Retiens-le un moment. Offre-lui à boire. Le vin est à deux fins, pour le mendiant et pour le dieu.

SERVITEUR.

Dieu ou mendiant, il est déjà ivre.

FIN DE L’EXTRAIT

______________________________________